Ligue des droits de l'Homme
Communiqué de presse – 11 octobre 2011
Criminalité et origine ethnique :
liaisons (statistiques) dangereuses
En proposant que l'origine ethnique des suspects soit précisée lors de l'enregistrement de faits criminels, Guido De Padt, sénateur Open VLD, remet sous le feu médiatique une proposition qui a la dent aussi dure que le nez creux:en matière d'opportunisme politique : la constitution d'une base statistique retraçant l'origine ethnique des criminels.
Alors Ministre de la Justice, Marc Verwilghen (VLD) avait commandité en 1999, une convention de recherche visant à objectiver des liens hypothétiques entre la criminalité et l'origine ethnique. Cette initiative avait à l'époque provoqué de nombreuses et légitimes critiques en ce qu'elle présentait, de façon pour le moins téméraire et subjective, la délinquance juvénile comme un problème culturel et ethnique.
Le fait qu'une proposition similaire émerge 12 ans plus tard ne pose pas seulement question quant à l'efficacité des politiques et des moyens mise en œuvre durant cette période pour protéger les citoyens, mais porte également la marque d'une conception figée de l'action pénale.
Au-delà du caractère électoraliste de ce qui ressemble fort à un effet d'annonce,
En effet, la mise en avant des instruments de statistique ethnique pointe dans le cas présent la figure de l' « étranger visible » - qu'il s'agisse de l'étranger au sens propre ou du Belge au profil trop basané ou au cheveu trop noir -, comme vecteur d'insécurité et de délinquance. L'idée que les statistiques ethniques contribuent à objectiver le débat sur la sécurité n'aurait pas dépareillé dans Tartuffe : ce choix privilégie sciemment une hypothèse d'interprétation et d'action pénale plutôt que d'autres, et cette hypothèse est que l'étranger serait – « mais il s'agit bien sûr de confirmer par les chiffres » - une donnée structurelle, spécifique, nécessitant une analyse indépendante, du problème criminel.
Outre ces questions de principe,
Enfin, imaginons qu'un tel outil statistique soit concrètement envisageable et scientifiquement valide. Pourquoi, dans ce cas, utiliser ce critère de manière uniquement négative en le reliant avec la criminalité plutôt que d'en faire usage dans le cadre d'études permettant de lutter contre les discriminations en matière d'accès au logement, au travail ou aux soins de santé ? Le sénateur déclare envisager les statistiques ethniques comme un outil important « dans l'élaboration d'une politique d'intégration » : nous lui proposons dans ce cas de faire le relevé des « profils ethniques » refusés à l'achat d'un appartement, à un entretien d'embauche ou à l'accès d'une discothèque, ou de tracer la « carte ethnique » des zones urbaines les plus paupérisées.