dimanche 6 octobre 2013

[21septembre] La loi, c’est la loi, mais pas pour ceux qui la font

La loi, c'est la loi, mais pas pour ceux qui la font


octobre 5, 2013


La situation

Sur le site du Ministère des Affaires étrangères, on peut lire, concernant l'Afghanistan: "Tous les voyages de tourisme sont absolument déconseillés. (…) La menace d'actes terroristes ou criminels contre les étrangers est très importante. Des zones entières du pays, en ce compris les grandes agglomérations, font face à une insurrection armée contre les forces de sécurité afghanes et les forces OTAN/ISAF. Le conflit occasionne plus d'un millier de morts violentes chaque année. Le danger peut prendre la forme d'attentats à la bombe, d'attaques suicides, d'enlèvements, de confrontations armées, d'attaques le long des routes, qui visent les ONG, les organisations internationales, les entreprises privées et touchent de façon indiscriminée les personnes présentes alentours. " (le "s" n'est pas de moi)


- Le 26 septembre dernier, la policé procédait illégalement à l'expulsion d'un bâtiment occupé par plus de 400 Afghans.

- Le 4 octobre, on apprenait que l'Etat belge refusait de libérer une dizaine d'Afghans détenus en centre fermé malgré la suspension de l'arrêté d'expulsion par le Conseil du Contentieux des Etrangers*, qui estime que l'Office des Etrangers, service dont la secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration Maggie De Block (Open Vld) est responsable, a fait preuve de négligence dans ses prises de décisions: les arrêts du Conseil du Contentieux des Etrangers indiquent que l'Office des Etrangers a pris ses décisions trop rapidement et n'a pas étudié la situation actuelle en Afghanistan. (Ils auraient été libérés depuis, et l'Office annonce son intention de faire appel).

Il y a quelques jours, un jeune Afghan père de famille, parlant parfaitement le néerlandais et salarié en Flandre, était renvoyé seul dans son pays d'origine. Il était arrivé ici quand il était mineur d'âge et a quitté l'Afghanistan à l'âge de 5 ans.

La loi, c'est la loi?

"La loi, c'est la loi", avancent certains.
Seulement, En Belgique, il n'existe pas de règles claires concernant les demandes d'asile. Les dossiers sont étudiés au cas par cas (on le voit plus haut).
Par contre, il existe ce qu'on appelle des lois souveraines. Parmi elles, la Convention européenne des Droits de l'Homme. Et la Belgique se dit fière d'y avoir adhéré.
Une simple recherche sur google permet de se faire une idée du gouffre qui sépare cette fierté affichée et la réalité: la Belgique est régulièrement condamnée par la Cour européenne des Droits de l'Homme et se fout royalement de ces condamnations.
Relevons par exemple:

Octobre 2013

La ministre de la Justice Annemie Turtelboom décide d'extrader Nizar Trabelsi  vers les Etats-Unis, bafouant ainsi une décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), datant de décembre 2011 qui ordonnait en effet la suspension provisoire de l'extradition de Nizar Trabelsi outre-Atlantique.

Juillet 2013

Le Comité européen des droits sociaux, l'organe quasi-judiciaire du Conseil de l'Europe, a condamné lundi l'État belge et les trois Régions pour le manque de places d'hébergement et de solutions d'accueil pour les personnes handicapées de grande dépendance.

12 avril 2013

La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la Belgique à payer 5.000 euros à un demandeur d'asile afghan. Il était resté enfermé 4 mois en raison d'une procédure en cassation alors que son avocat avait obtenu sa libération après 4 jours.

Mars 2013

Le 10 janvier 2013, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu plusieurs arrêts par lesquels elle condamne la Belgique pour violation de certains articles de la Convention européenne des droits de l'homme au vu du sort réservé aux internés détenus dans les prisons belges.

Octobre 2012

La Belgique une fois de plus condamnée par la cour européenne des droits de l'homme. C'est la 9ème fois en 10 ans, mais c'est surtout la 5ème condamnation depuis l'année dernière en matière de droits des étrangers et d'asile. Souvent la Cour reproche à la Belgique un "traitement inhumain et dégradant". Mais c'est la première fois que la cour européenne des droits de l'homme met directement en cause le travail effectué par nos instances d'asile, en Belgique.

Décembre 2011

Le 13 décembre 2011, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné pour la troisième fois la Belgique pour avoir infligé un traitement inhumain et dégradant à des enfants migrants en les détenant en centre fermé.

Janvier 2011

Le 21 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg a condamné la Belgique pour traitement inhumain et dégradant à l'égard d'un demandeur d'asile.

Outre ces règles de droit qui sont constamment bafouées, il y a la question "simplement" humanitaire. Des gens sont ici depuis des années. Leurs enfants sont nés ici, scolarisés ici. Au-delà d'une certaine durée, en admettant qu'il y ait de "bonnes" et de "mauvaises" raisons de s'exiler (ce que je ne fais pas), des gens ne devraient à mon sens plus être tributaires de la moindre décision. Et pas qu'à mon sens.

La loi, c'est la loi, mais pas pour tout le monde

On l'a vu : la loi, c'est la loi, mais pas pour ceux qui la font, puisque notre pays la bafoue régulièrement sans accorder la moindre importance à des condamnations d'instances souveraines auxquelles il a pourtant adhéré (avec fierté).
Outre ce comportement intolérable, notre Etat laisse à l'arbitraire des décisions gravissimes qui ont une influence directe sur la vie d'êtres humains.

En cette occurrence, une seule conclusion possible:

Soit on décide que l'Afghanistan est un pays sûr, on rappelle nos soldats et on supprime la mise en garde du Ministère des Affaires étrangères, soit on accueille chez nous des gens en danger.

Il y a une troisième option: on quitte les instances internationales et on se départit de leurs lois souveraines.

Ou alors, on se souvient que faire de la politique, c'est se mettre au service de la société. On décide que oui, la loi, c'est la loi. Pour tout le monde. On objective tout ce qui doit l'être, on réforme tout ce qui doit l'être.

Lire aussi:




*Le Conseil du Contentieux des Etrangers est une juridiction administrative, seule compétente pour connaître des recours introduits à l'encontre de décisions individuelles prises en application des lois sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. A l'exclusion de toute autre instance, il est compétent pour connaître des recours introduits contre les décisions du Commissaire général aux Réfugiés et aux Apatrides qui reconnaissent, refusent ou retirent la qualité de réfugié à un demandeur d'asile. (Convention de Genève – 28 juillet 1951)

Anne Lowenthael



 
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