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Communiqué de presse
Monsieur Youssef F., d'origine marocaine, est détenu au centre fermé de Vottem depuis fin novembre. Il a été emmené une première fois à l'aéroport national en vue d'une expulsion vers le Maroc le 6 janvier.
Il s'est opposé à cette expulsion. Monsieur F. avait introduit une demande de régularisation de séjour en Belgique dans le cadre de l'instruction de septembre 2009. Son dossier devait être complété par un contrat de travail. Malheureusement le contrôle d'identité et la réponse négative qui ont conduit à sa détention ont eu lieu avant l'entretien d'embauche.
Le lendemain de cette première tentative d'expulsion, Youssef F. a entamé une grève de la faim afin d'obtenir sa libération et de pouvoir poursuivre les démarches pour régulariser son séjour. Au 19e jour de la grève de la faim ce mardi 25 janvier, sa vie et sa santé sont en danger. Il a perdu beaucoup de poids, est très affaibli, ne peut plus marcher et est déplacé en chaise roulante.
Ceci n'est pas la première grève de la faim au centre fermé de Vottem, mais ici nous sommes particulièrement interpellés par ce que nous considérons comme un mauvais traitement. Youssef a été placé en isolement le mercredi 12 janvier et y est resté depuis. La cellule d'isolement c'est un cachot, avec un matelas sur un socle en béton, des couvertures, pas d'oreiller, un lavabo et un wc dans la cellule...
Selon la réglementation concernant les centres fermés pour étrangers, il existe deux types d'isolement. Le premier est un isolement disciplinaire, à titre de sanction, il est de 24h à 72h maximum avec accord de la Direction de l'Office des Etrangers, et ne peut être prolongé au-delà qu'avec l'accord du Ministre.
Le second est un isolement "au titre du maintien de l'ordre et de la sécurité", ce que l'on appelle aussi "régime différencié". Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements dégradants (CPT) a dénoncé dans son rapport de janvier 2010, suite à sa visite à Vottem en septembre-octobre 2009, cette disposition imprécise, sans limites, et sans possibilité pour celui qui en est victime de contestation, de recours.
Voici l'extrait de ce rapport, page 30:
S'agissant du placement à l'isolement au titre du maintien de l'ordre et de la sécurité (qualifié autrefois de «régime différencié »), le directeur de l'établissement dispose d'un pouvoir discrétionnaire plus étendu que pour le placement à l'isolement disciplinaire. Sa durée n'est en effet pas limitée et aucune procédure stricte n'est prévue, ces questions ne seraient apparemment réglées que par des notes de service. Le recours à un isolement prolongé est un sujet de préoccupation particulière pour le CPT, compte tenu des éventuels risques d'abus. A cet égard, le Comité tient à rappeler qu'en cas d'application d'une mesure de placement à l'isolement pour raisons de sécurité, celle-ci doit s'accompagner de garanties effectives. L'intéressé doit notamment être informé des motifs de la mesure adoptée à son encontre, avoir la possibilité de faire valoir son point de vue sur la question avant l'imposition de la 'mesure, et pouvoir contester la mesure devant une autorité appropriée. De plus, il convient que toute mesure d'isolement soit limitée dans le temps. Le CPT recommande que des mesures soient prises afin que ces principes soient incorporés dans l'arrêté royal susmentionné.
Comment peut-on tolérer que quelqu'un qui n'a commis aucun délit, si ce n'est de ne pas être en ordre de séjour, vive dans de telles conditions, au cachot, coupé de contacts sociaux[1] la plupart du temps depuis maintenant 14 jours. En quoi Youssef F. met-il en danger la sécurité? Le but n'est-il pas plutôt de casser la résistance morale d'un gréviste de la faim? D'éviter la contagion de la grève parmi d'autres personnes détenues?
Le Secrétaire d'Etat à la politique d'asile et d'immigration, Melchior Wathelet, est-il informé de telles pratiques? S'agit-il de nouvelles directives émanant de l'Office des Etrangers appliquées dans les différents centres fermés pour étrangers ? Rappelons, nous qu'en novembre 2006, des membres du personnel de Vottem avaient eux-mêmes dénoncé auprès des médias (article de Michel Bouffioux) cette pratique de l'isolement prolongé.
Lorsque nous avons posé des questions à propos de cet isolement prolongé, il nous a été répondu qu'il s'agissait d'exercer une surveillance médicale du gréviste de la faim, et qu'il ne s'agissait pas d'un isolement disciplinaire puisqu'il pouvait utiliser un téléphone et recevoir des visites, ce qui est effectivement le cas. Nous ne mettons d'ailleurs pas en cause le suivi médical, mais nous posons la question : pourquoi n'est-il pas dès lors dans l'aile médicale?
Nous considérons qu'il s'agit bien d'un régime de détention différencié et d'une sanction déguisée par rapport à la grève de la faim. Les recommandations du CPT, adressées au gouvernement fédéral, celui qui est toujours en place..., ne sont nullement suivies d'effet.
Par sa grève de la faim, Youssef F. a posé un choix, qui lui est personnel, lié à l'impossibilité du retour dans son pays d'origine. Il lui en coûte, une grève de la faim engendre beaucoup de souffrances; l'isolement ajoute encore beaucoup à ces souffrances.
Nous demandons l'avis du Secrétaire d'Etat et une discussion au Parlement sur de telles pratiques. Une question parlementaire sera posée à ce sujet par Eric Jadot, parlementaire Ecolo.
Nous voulons aussi faire savoir que l'état de santé de Youssef F. exclut toute tentative de rapatriement.
Enfin nous nous inquiétons des nombreuses opérations policières en cours, qui ressemblent fort à une traque des sans - papiers. Celle-ci s'intensifie au fil du temps, depuis l'automne 2010, après l'opération de régularisation concrétisée par le dépôt de dossiers entre le 15 septembre et le 15 décembre 2009.
Pour le CRACPE,
France Arets
[1] Les personnes détenues à Vottem connaissent normalement le « régime » suivant : logement en dortoirs de 4 personnes, liberté de circuler dans l'aile prévue pour 40 personnes maximum (4 ailes), repas et activités diverses dans un espace commun, et sportives au préau