mardi 10 février 2009

[21septembre] Temoinge d'une visite au 127bis !

Nous cherchons trois volontaires pour visiter des personnes au 127bis.
 
(Crer)
 

 
Voilà mon compte-rendu.

J'ai peut-être (surement) été un peu longue. les informations les plus importantes sont en bleu. Pour ceux qui voudraient gagner du temps.

Bonne lecture.

Ch.


J'avais accepté. Il fallait donc y allé. J'avais le nom, je connaissais la procédure, rien ne devait m'arrêter. Et pourtant, l'appréhension était grande. De quoi allions-nous parler?Comment cela allait-il se dérouler?

Finalement je prends mon courage à 2 mains et j'appelle le 127bis afin de m'assurer de la présence de Thomas Kutten. Il est bien là me dit-on. La suite de la procédure : faxer une demande et ma carte d'identité. La demande est vite rédigée, la carte vite photocopiée. Je me dépêche de l'envoyer du petit magasin au bout de ma rue qui possède un fax. La jeune fille qui tient le magasin essaie à plusieurs reprises d'envoyer le document mais le fax ne passe pas. "La machine est coupée" me dit-elle. Je râle. Mais aussi, j'avoue, je suis soulagée, ... ça ne matérialise pas tout de suite cette démarche qui dans le fond me terrorrise.

Le lendemain, j'y retourne. Cette fois, je suis bien décidée à ce que ce fax soit envoyé... La jeune fille n'y parvient toujours pas. Je vois là une bonne excuse pour baisser les bras. Entretemps on m'appelle pour venir aux nouvelles. Ai-je fait la visite à laquelle je me suis engagée? Je prends alors conscience de mon appréhension à faire cette visite.  Pourtant je m'y suis engagée, un homme attend qu'à l'extérieur quelqu'un lui fasse un signe, lui donne espoir... Il faut que je le fasse.
A la troisième tentative, le fax est envoyé. J'appelle pour confirmer. C'est ok, le rendez-vous est pris. Cette fois je ne peux plus faire marche arrière.

Ce dimanche 8 février, à 19h il fait déjà complètement noir. J'arrive pour la première fois devant le centre 127bis. Dans la pénombre, je ne distingue qu'une masse sombre d'un batiment massif entouré de barbelés. Les allées sont faiblement éclairées par quelques réverbères à la lumière jaunâtre. L'atmosphère est pesante, lourde, et triste... Elle évoque une prison. Non, pas tout à fait, les prisons que je connais sont situées beaucoup plus près des habitations. Les prisons que je connais connaisssent la rumeur de la ville. Ici tout est calme, à l'abris des regards des citoyens, on pense plutôt à une caserne ou oserais-je le dire, un camp de concentration...

Je m'attends à trouver des gardes armés et brutaux. Pourtant quand je pénètre, les deux hommes assis dans le bureau sont polis même s'ils sont, il est vrai, loin d'être chaleureux. Je m'exprime mal en néerlandais. Tout de suite, ils me demandent si le français serait plus aisé. Je leur souris en me disant que je n'aimerais pas faire ce métier. Ils me font attendre dans une pièce et me demande d'attendre pendant une dizaine de minutes. Dans cette pièce, il y a 4 tables entourés de chaises et de bancs. Des casiers le long du mur permettent de ranger nos affaires. En effet, téléphones portables et nourriture sont interdits.

Thomas arrive. Il est très étonné. Il est enfermé depuis le 25 novembre. C'est sa première visite. La conversation est difficile. Il ne parle qu'Anglais ou Néerlandais. Nous parlons donc en anglais, mais je ne suis pas habituée à l'accent ghanéen. Je dois souvent lui demander de répêter. Il est très patient et répête souvent avec le sourire. Il me demande qui je suis et pourquoi je viens le voir. Je lui parle de notre groupe. Il veut savoir ce qu'on peut réellement faire pour lui. Je suis embarrassée. J'ai le sentiment qu'on ne peut pas faire grand chose. Je lui dis que ce qu'on peut faire, on tentera de le faire... Il me raconte alors son histoire.

Thomas a quitté le Ghana il y a 11 ans en 1998, et il est arrivé en Belgique. Pour venir ici, il a quitté sa famille et ses 6 enfants en espérant pouvoir mieux subvenir à leurs besoins. Il a toujours vécu à Anvers. Là-bas, il a entamé différentes démarches pour régulariser sa situation. Il n'a essuyé que des refus. Mais il n'est jamais resté inactif. Il a suivi des cours de néerlandais pour mieux s'intégrer. Je l'ai entendu échanger des mots avec le personnel du centre et son néerlandais m'a bien l'air très correct. Il a aussi travaillé comme bénévole pendant plusieurs années à Anvers toujours dans le but de mieux s'intégrer.
Depuis quelques temps il louait une petite chambre. D'après ce qu'il me décrit, la chambre semble vraiment petite. Mais il me dit qu'il payait toujours son loyer à temps. Un matin, la police débarque chez lui pendant qu'il dort. Le logement est insalubre, il faut le quitter. Les policiers font avec lui un inventaire de ses possessions et placent des scellés sur la maison. Il lui dise qu'il reviendra chercher ses affaires quand il aura un nouveau logement. Il est emmené. Son "nouveau logement", c'est le 127bis. Lorsqu'il me raconte cela, il semble très inquièt pour ses maigres possessions, il a peur d'être rappatrier avec juste les quelques affaires qu'il a ici.

Il a d'ailleurs déjà été emmené. Mais ses problèmes de santé l'on empêché de prendre l'avion. D'après son médecin un long trajet en avion pourrait lui être fatal. Mais il me dit aussi que tous les jours, on lui donne des médicaments, et que tous les deux jours plus ou moins il voit un médecin. Tout en me racontant son histoire, il me remercie et me sourit. Il a les dents de devant écartées et je me dis qu'on appelle cela "les dents du bonheurs". Certaines expressions peuvent parfois sembler bien ironiques. Mais le sort n'est plus seulement ironique mais carrément mesquin lorsqu'il m'explique qu'on le soigne car il doit aller mieux pour pouvoir être renvoyé chez lui par avion.

Il nous reste un 1/4heure et on ne sait plus trop quoi se dire. Pendant quelques minutes je regarde autour de moi les autres personnes qui ont reçu de la visite. A gauche une famille s'échange des mouchoirs pour essuyer quelques larmes. Un enfant se blottit dans les bras de sa mère. Un ado semble plaisanter dans une langue que je ne comprends pas mais son langage corporel montre bien son mal-être. Je m'imagine qu'il plaisante pour détendre la situation pour ne pas craquer, mais en fait, je n'en sais rien car je n'y comprends rien... Un peu plus loin, c'est un couple qui profite des quelques minutes autotisées pour se faire calins et petits bisous. Partout dans la pièce la tension de la fin de l'heure est palpable. Je suis soudain mal à l'aise. Dès qu'un garde vient annoncer la fin de la visite, je dis aurevoir à Thomas et je me précipite dehors.

Un peu plus tard, je suis chez moi, dans ma petite bulle. Je retourne à mes préoccupations quotidiennes.
 
Etrange sentiment...
 
 

 
CRER / Tel : 0474 08 85 35
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