jeudi 30 juin 2011

[21septembre] [Ligue-droits-de-l-homme-infos-associations] LIGUE DES DROITS DE L'HOMME/OIP - COMMUNIQUE DE PRESSE - Salduz : sans suite et fin

Observatoire international des Prisons/
 Ligue des droits de l’Homme


Communiqué de presse – 30 juin 2011

Salduz : sans suite et fin

 

 

Ce 1er juillet 2011 sonne le glas de l’ère Salduzienne.

 

Le 27 novembre 2008, la Cour Européenne des droits de l'homme (CEDH) a prononcé un arrêt dit « Salduz ». Il en ressort que l'assistance d'un avocat doit, en principe, être garantie dès les premiers interrogatoires du suspect. Un des objectifs de la CEDH est d'empêcher qu’il ne soit soumis à des pressions ou à des mauvais traitements.

 

A l'heure actuelle, la procédure pénale belge ne prévoit pas ce droit au suspect privé de sa liberté. 

 

Différents Barreaux se sont cependant organisés pour qu’une application partielle des obligations de l’Etat soit possible.

 

Pendant 6 mois et demi, le Barreau de Bruxelles a mis en place, via le bureau d'aide juridique, une permanence, sur base volontaire et totalement bénévole, afin d'assister devant le juge d'instruction, les personnes privées de leur liberté.

 

Cette démarche pro-active a montré qu’on peut mettre en place ce système, et ce, malgré les réticences de notre monde politique et du Collège des Procureurs Généraux, qui doutaient de la capacité du Barreau à faire face à ce surcroit important de travail, et en faisaient un argument de rejet de la réforme, pourtant imposée par les instances internationales.


La mise en place de cette permanence bénévole a rencontré de nombreuses embuches en parfaite contradiction avec le respect dû aux droits du justiciable sous le coup d'une arrestation judiciaire.

 

L’étendue de l’intervention des avocats pose question. Il n’y a par exemple encore aucune possibilité d’assister aux auditions à la police. Or le passage à la police, après une privation de liberté, est un moment clef avant un éventuel billet d’entrée à la prison de Forest.

 

Ensuite, aucun accès au dossier répressif du suspect n’est permis, ce qui empêche l’avocat de conseiller au mieux le suspect. Il n’y a pas d’entretien confidentiel avec le suspect avant l’audition devant le Juge d’instruction. En pratique, l'avocat doit, en 2 minutes, arriver à expliquer, dans un couloir, entre des policiers, à la personne privée de liberté, un maximum d’éléments en lien avec la suite de la procédure. Il n'y a donc pas de possibilité de faire respecter le secret professionnel.

 

Une proposition de loi est actuellement pendante devant les chambres législatives mais limite tellement le rôle de l’avocat qu’il s’apparente à jouer les figurants, ou servir d’alibi.

 

L’expérience vécue, pendant ces 6mois et demi, atteste de l’hypocrisie du monde politique. Celui-ci se satisfait d’un système provisoire et boiteux, bien insuffisant compte tenu des exigences de la CEDH, qu’il ne veut pas subsidier. C’est un leurre qui ne peut perdurer.

 

Le fait que les prestations de l’avocat ne sont pas rémunérées pose inévitablement la question de leur qualité.

 

La Belgique bat de tristes records quant aux nombres de détenus en détention préventive (35 à 40%). L’Observatoire International des Prisons (OIP) et la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) sont convaincus qu’une présence non silencieuse de l’avocat dès le premier interrogatoire peut avoir un impact conséquent sur la limitation du nombre de mandats d’arrêt décernés.

 

Qu'en est-il aujourd’hui? Un budget voté sans aucune rémunération prévue pour les prestations des avocats, un projet de loi en cours mais insuffisant (comme de nombreux autres tombés aux oubliettes), et last but not least, la violation des droits de toute personne privée de sa liberté, en totale contradiction avec la CEDH.

 

En conséquence, le Barreau de Bruxelles met fin aux permanences en place et ce, dès le 1er juillet 2011, tout comme les Barreaux de Charleroi, Verviers, Marche, Neufchâteau et Arlon. L'objectif est de tenter de sensibiliser notre monde politique à la gravité de la situation, qui met en péril les droits de tout un chacun qui serait amené à être privé de sa liberté.

 

Le Barreau tente de responsabiliser le monde politique quant à ses carences, et est soutenu par l’OIP et la LDH dans ce combat.

 

L'OIP dénonce l'absence de respect par l'Etat de ses obligations internationales et réclame l’adoption en droit national des règles édictées par la jurisprudence strasbourgeoise, à savoir l’assistance d’un avocat dès la privation de liberté. L’OIP et la LDH plaident pour que cette assistance soit la plus complète possible, avec possibilité pour l’avocat d’avoir un accès au dossier, un entretien confidentiel avec son client, et un droit de parole quant à la nécessité de délivrer un mandat d’arrêt.