mardi 29 mai 2007

[21septembre] CRER - RESUME DE LA SEMAINE

Chère Fréderique, cher Ciré ;
 
Je t'écris comme à une soeur, lis moi avec le coeur.
 
Le 11 septembre les tanks de l'armée ont occupé Chuquimata. C'est une ville minière où mes parents vivaient et travaillaient, ma mère comme infirmière, mon père comme directeur du personnel de la mine. Mon Père a été appelé chez le nouveau directeur, un colonel :
 
Le colonel : " Vous êtes un homme de parti? "  
Mon Père : " Oui je suis un homme de parti, mais qu'est ce que ça change à mon travail? "
Le colonel : " Vous êtes renvoyé ".
 
Mon père est parti avec un ordre de quitter la zone dans les 24h. Ses pensées allaient vers sa famille, qu'est ce que je vais faire? Sans travail, avec 4 enfants, ils ne pourront jamais étudier, comment les regarder grandir sans espoir de leur offrir quelque chose, avec ce régime, quels moyens de vivre aurons nous dans ce pays? Il parti désespéré pour Santiago où ma mère le rejoint peu après.
 
Un collectif de solidarité de Leuven permit à mes parents et à mes 4 sœurs de gagner la Belgique.
 
Je sais combien mes parents furent déchirés à ce moment là de devoir abandonner leurs familles, leurs amis et leurs rêves. Ils avaient achetés un bout de terre près de l'océan pour aller s'y installer après la mine. C'est l'histoire de mon père et de ma mère et de centaines de milliers de Chiliens qui ont quittés leur pays pour en chercher d'autres où il serait possible de trouver une vie meilleure.
 
L'exil est plus qu'un mot, c'est une blessure que nous portons tous dans la famille et avec laquelle nous apprenons à vivre.
Quand je vais au Chili voir ma famille, je comprend quelle serait notre vie si nous n'avions quitté le Chili. Mes sœurs et moi avons tous étudié et nous épanouissons à fond en Belgique, nous avons marié des Belges et faisons l'amour et pleins d'enfants avec eux. Au Chili, pas un seul de nous 5 n'aurait pu étudier.
 
4 ans après être arrivés en Belgique, L'OFFICE DES ETRANGERS a donné l'ordre à ma famille de quitter le territoire. A partir de ce moment là, nous étions sans-papiers et clandestins.
Les Belges se mobilisèrent et nous fumes régularisés! Mes parents n'ont jamais eu droit au statut de demandeurs d'asile, de réfugiés politiques, ils sont ce qu'on appelle des réfugiés économiques, ce que certains appellent des profiteurs ou des gens qui pourraient tout à fait rentrer dans leur pays. Mais moi je crois que quand le régime politique ne permet pas aux personnes de vivre et de grandir librement, de fonder une famille, de rêver à une maison où installer son amour, de faire des choses belles avec ses mains, son cerveau et son cœur, quand ce régime politique condamne son peuple à ramper jusqu'à la vieillesse, alors tous ce peuple mérite le nom de réfugié politique. Non ma famille n'était pas poursuivie par la police secrète de Pinochet, non notre vie n'était pas menacée, oui nous sommes des réfugiés économiques et oui nous sommes des réfugiés politiques! Politiques car c'est bien le régime politique, la politique économique, la politique sociale d'un pays qui nous poussent à l'exil. Quel que soit ce type de régime, dictature, démocratie en guerre ou royaume de quelques nantis.
 
Notre vie fut dure en Belgique, pour mes parents surtout, mais nous sommes allés de l'avant. 
Et tu ne peux savoir cher Ciré et toi gouvernement Belge, comme je suis fier du choix qu'on fait mes parents et comme je suis fier des Belges qui se sont battus pour nous et nous ont défendu!
C'est l'histoire des centaines de milliers de Chiliens réfugiés un peu partout dans le monde et celle de millions de réfugiés économiques. Aujourd'hui, c'est l'histoire de plus de cent mille sans papiers en Belgique, et de millions sur la terre. C'est mon histoire et aussi l'histoire du monde.
 
Moi je me sens blessé quand on dit une régularisation juste, quand on parle de critères justes. Je suis blessé parce que j'imagine mes parents il y a 30 ans arrivant en Belgique et jugés par ces critères, j'imagine la désespérance de mon père si la Belgique l'avait jugé injuste et renvoyé au Chili avec ses enfants et sa femme, je vois ma mère ne sachant que faire et perdant tout l'espoir de vivre un jour un peu mieux. J'imagine notre vie alors et la peine de mes parents… J'imagine et j'ai peur. Même si c'est passé ça me fait peur. Puis j'imagine cela maintenant en Belgique, j'essaye d'imaginer ce qui est juste... Et toi, qu'est ce que tu imagines…
 
 
Gerardo Cornejo
 
 


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