samedi 8 novembre 2008

[21septembre] "Le VLD cautionne la clandestinité"

"Le VLD cautionne la clandestinité"

martin buxant et vincent rocour

Mis en ligne le 08/11/2008

 

 

Marie Arena (PS), la ministre des Pensions et de l'Intégration sociale, estime que le blocage dans le dossier de l'Asile est dû à un manque de leadership politique en Flandre. Mais elle ne désarme pas. Et renvoie le dossier dans les mains du Premier ministre.

 

Entretien

 

Vous êtes ministre des Pensions. Une table ronde sera lancée d'ici un mois. Avec quoi comme objectif ?

 

On veut rassurer les pensionnés d'aujourd'hui et de demain. Leur dire que dans 20 ans, il y aura toujours une pension légale. C'est même la pension de l'avenir.

Il n'y a plus grand monde qui y croit...

 

Quand on voit la crise financière aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y ait encore beaucoup de gens qui croient dans les épargnes-pensions du troisième pilier.

 

La crise boursière ne vous inciterait-elle pas à réduire les incitants fiscaux accordés par l'Etat pour les épargnes-pensions au profit de la pension légale ?

 

Ma priorité, c'est de garantir la pension légale. S'il n'y a pas assez d'argent pour la garantir, alors il faudra envisager d'aller chercher des moyens dans le budget consacré à la déductibilité fiscale du troisième pilier. Mais tant qu'on peut financer les deux régimes en même temps, je n'ai pas de problème.

 

Il y a 7 mois que le gouvernement est en place. Dans le dossier sur l'asile et l'immigration, on est nulle part...

 

Tout d'abord, la ministre de l'Asile, ce n'est pas moi.

 

Karel De Gucht (VLD) dit qu'il y a deux ministres des sans-papier : Joëlle Milquet et vous...

 

Il faut arrêter de se renvoyer la balle. La ministre qui a la Migration dans ses responsabilités, c'est Madame Turtelboom.

 

Qu'est-ce qui coince ? Une lecture différente de l'accord de gouvernement ?

 

Ce n'est pas une question de lecture. Le chapitre consacré à l'immigration est très détaillé.

 

Manifestement le VLD ne pense pas comme vous...

 

La sensibilité dans ce dossier est très différente au nord et au sud du pays. C'est un euphémisme. Par ailleurs, depuis l'éclatement du cartel CD&V/N-VA, plus aucun parti ne détient le leadership en Flandre. Chacun veut se positionner en vue des élections régionales de juin2009. Si bien que, dans le dossier de l'Immigration, il n'y a au nord du pays aucun parti qui ne souhaite se démarquer, aucun pour se montrer un peu plus "généreux" que les autres. C'est cela le problème, pas l'accord de gouvernement, qui est très clair.

 

Mais il y a quand même des critères de régularisation à définir, non ?

 

Non. Dans l'accord, on a dit qu'il y aurait trois portes d'entrée vers la régularisation: la longue procédure (parce que l'Etat est en défaut), un ancrage local durable et le travail. Il y a une discussion pour savoir quels sont les publics "procédure longue durée". Demandes d'asile, procédure au Conseil d'Etat, etc. Là-dessus, on peut travailler. Mais Annemie Turtelboom ne veut pas. Elle dit que les procédures de longue durée, ce sont celles qui sont en cours. Même la procédure devant le Conseil d'Etat n'est pas prise en considération. Elle ne négocie pas.

 

Pour l'ancrage local durable, on doit définir qui peut être éligible et ensuite, quels critères sont à prendre en considération. On a été très clair. On ne veut pas, en édictant une circulaire de régularisation, organiser un appel d'air qui pousserait des gens à venir en Belgique. On veut régulariser des milliers de gens qui sont venus en Belgique via une procédure légale, depuis 5 ans au moins, et qui y resteront. Qu'on arrête de dire que le PS et le CDH veulent régulariser n'importe qui n'importe comment.

 

Le VLD vous accuse de vouloir une régularisation massive...

 

On reste dans la logique de la régularisation au cas par cas. On ne veut pas créer un appel d'air. Mais on ne veut pas non plus cautionner la clandestinité. Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui? Il y a des milliers de personnes illégales. Tout le monde s'en accommode, y compris le VLD. On ne veut pas leur donner des papiers. Qu'est-ce qui se passe alors? Ces gens vont travailler au noir. En cautionnant la clandestinité, on fragilise ces personnes vis-à-vis de leur employeur, des marchands de sommeil, de filière

 

Vous dites que le VLD encourage un système quasi mafieux ?

 

Il cautionne la clandestinité.

 

Pensez-vous qu'il y aura une solution avant juin 2009 ?

 

Sincèrement, on aurait pu aboutir en juillet. Evidemment, plus on s'approche des élections, moins on a de chances. Mais je n'abandonne pas. La balle n'est cependant plus dans le camp d'Annemie Turtelboom ou des autres. Elle est dans le camp d'Yves Leterme. Le rôle d'un Premier ministre est de rapprocher les points de vue.

 

Les centres d'accueil pour demandeurs d'asile sont saturés. Ca, c'est de votre responsabilité...

 

C'est hallucinant. On a un accord de gouvernement sur la régularisation qui est clair. Pour des raisons qui sont les siennes, la ministre compétente dit ne pas pouvoir avancer dans le dossier. Mais ce parti, qui a choisi de ne pas prendre ses responsabilités et qui entraîne, par sa non-décision, une saturation des centres m'attaque là-dessus en me demandant: "Qu'est-ce que vous attendez, Madame Arena?" On a rarement vu cela dans une majorité.

 

Madame Turtelboom avance qu'il y a dans les centres d'accueil 8 000 personnes qui ne devraient pas y être ?

 

C'est faux. J'ai vérifié. Sur les 15000 personnes hébergées en centre d'accueil, il n'y en a que 23 qui ne devraient pas y être. Ce sont des personnes qui ont reçu un titre de séjour, mais qui n'ont pas quitté le centre dans les deux mois comme la loi le stipule parce qu'elles n'avaient pas encore pu trouver un logement. Madame Turtelboom a sans doute oublié que la Cour d'arbitrage a obligé l'Etat à accueillir toutes les familles illégales avec enfant.

 

Alors il y a un problème de capacité ?

 

Je suis dans une position intenable. Soit j'obtiens des moyens supplémentaires pour augmenter la capacité d'accueil actuelle dans les centres soit on active la circulaire sur la régularisation pour augmenter le flux des sorties. Mais on me refuse de l'argent supplémentaire et l'on continue à négocier la circulaire. Je vais ouvrir 500 nouvelles places. Mais c'est juste pour l'hiver, pour ne pas laisser des gens dans la rue.

 

Est-ce que dans le dossier Asile, le PS est totalement en accord avec le CDH ?

Tout à fait. A 100 pc.

 

Donc, le CDH, sur ce dossier, pratique une politique de gauche ?

 

Le CDH, dans ce dossier-là, est effectivement un parti qui défend une position de gauche.

 

C'est un gouvernement où l'ambiance est mauvaise : comment vous y sentez-vous ?

 

On a connu mieux comme ambiance. Mais cela dépend des dossiers. Je sens une grande différence entre la gestion des pensions - où il est moins compliqué de forger le consensus - et celle d'un dossier comme l'accueil. Le dossier "grandes villes" sur lequel je travaille est également très sensible sur le plan institutionnel. Aujourd'hui, la Flandre ne veut plus de la politique des grandes villes. On ne parle plus de l'efficacité de la politique mais de qui détient la compétence.

 

Regrettez-vous d'avoir quitté la Communauté française ?

 

En tant que femme politique, un lieu où l'on gère la Petite enfance, la Culture et l'Enseignement est un endroit clé. Quoi que je fasse après, je regretterai toujours la Communauté française.

 

Pourtant, les derniers mois comme ministre-Présidente de la Communauté ont été agités. Le décret inscription a été un moment assez dur pour vous...

 

Il faut arrêter de penser que nous avons mis en place ce décret inscription par idéologie pure pour aller ennuyer les gens. Si tout fonctionnait magnifiquement sans décret, je ne l'aurais pas fait! Je ne suis pas là pour embêter les gens. Je voulais rendre à chaque parent la possibilité de faire le choix de son école. Si un parent veut mettre son enfant à Saint-Michel, qu'il en ait la possibilité, que son enfant soit blanc, noir, de Molenbeek ou d'Auderghem.

 

Referiez-vous le décret inscription de la même manière ?

 

Mais je ne me suis pas levée un jour en me disant que j'allais sortir ce décret. Il s'intégrait dans le contrat-programme pour l'école. Ce décret était la solution pour installer un mode transparent pour les inscriptions. Dans l'école publique, dans un Etat démocratique, je suis contre les privilèges. On nous a jugés durement parce que nous avons bousculé des modes de fonctionnement en place depuis des années.

 

Vous vous êtes attaquée à l'establishment, donc ?

 

C'est clair. Mais je pense que tout changement, quel qu'il soit, crée à un moment une frustration par rapport à une situation qui est bien rodée. Sur le fond, la mixité, personne ne la met en cause. Sur la forme, premier arrivé premier inscrit, j'avais fait le tour des possibilités. Mais j'étais ouverte aux autres propositions. Je n'en ai reçu aucune! Il a fallu que je parte de la Communauté française pour qu'on dise que, finalement, ce n'était pas si mal. Ce n'est pas grave, si c'est pour garantir la pérennité du projet politique

 

Il y a eu l'épisode de la "douche" à votre cabinet, puis celui du décret inscription : vous sentez-vous parfois davantage dans la ligne de mire de l'opinion publique que d'autres

 

femmes et hommes politiques ?

 

Je ne sais pas, je ne veux pas jouer la victime. Je pense être une des rares personnes en politique qui met plus l'accent sur le faire que sur le dire et le vendre. Mais ce n'est pas du tout ce qui me revient des médias. Les médias disent que Marie Arena, c'est paillettes et show. Heureusement qu'on a des gens plus concrets et modérés qu'Arena, disent-ils. On a fait récemment l'inventaire de tout ce que j'ai fait depuis 2000 - année où je suis entrée en politique. Je vous assure que c'est impressionnant

 

Là, vous vous jetez des fleurs...

 

Mais non. Simplement, je pense qu'en politique, l'hyperactivité est mauvaise. Parce que vous ne donnez pas le temps aux gens d'intégrer ce que vous réalisez ou ce que vous voulez faire. Peut-être le problème vient-il de là. Ça peut déranger: j'agis parfois comme une tornade. Et en politique, il faut donner le temps aux acteurs de digérer les changements. Je me pose aussi cette question.

 

Vous êtes arrivée à Bruxelles : allez-vous vous impliquer dans la commune de Forest ?

 

Oui. Je préfère toujours avoir une vue du terrain. Je suis aussi très intéressée par la Région bruxelloise pour tout ce qu'elle représente dans sa diversité culturelle. Et je m'implique dans la section locale à Forest. J'apprends encore

 

Vous imaginez-vous bourgmestre de Forest ?

 

C'est trop tôt. Les élections communales, c'est en 2012.Il y a d'abord les régionales en 2009.

 

Où vous serez sur la liste du PS ?

 

Je ne sais pas encore, il faut voir comment les élus bruxellois se positionnent par rapport à mon arrivée. Quand je suis venue à Bruxelles, j'ai bien dit que je ne demandais rien. Pour moi, la Région bruxelloise est un vrai enjeu, un vrai défi. Donc, si on me demande de me présenter, je le ferai avec un vrai et grand plaisir.

 

 
 


 
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